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GAGNER DU FRIC !

Comme son titre ne l'indique pas, ceci est un blog littéraire.

Sensations, le maître-mot d'une œuvre, jamais écrit.

- Avant de coucher sur le papier ce qui m'était venu en tête tandis que je ramenais ma voiture du supermarché d'à côté à chez moi, je dépouille mon courrier : un organisme social m'envoie un chèque de 356 euros en remboursement de trop-perçus sur mes cotisations ! Divine surprise dont je vais essayer de savourer la jouissance le plus longtemps possible ! (Et je vais m'empresser de toucher le chèque...) -

Je feuilletais tout à l'heure un magazine, et un petit article consacré à un auteur que j'adule, et dont je t'ai parlé il y a peu, cher lecteur, par l'intermédiaire d'une simple photo, m'a décidé à acheter le magazine.

Voici l'un des rarissimes critiques qui parviennent à bien parler, ce qui ne signifie pas forcément parler en bien même si c'est le cas ici, à parler de ce qu'est réellement cet auteur, ou, si l'on préfère, à ressentir ce qu'a lui-même ressenti l'écrivain - du moins j'aime à le croire -, ce qu'il nous a donné de sensations dans son acte d'écriture.

J'apprécie tout particulièrement sa question "Quel homme se cache derrière le silence ou le masque de la provocation ?". (Et aussi "Comment ne pas s'y reconnaître ?", mais j'y viendrai plus tard.) En effet, il n'y a pas de provocation chez Michel Houellebecq, ni dans sa parole ni dans son écriture - à ce titre, la photo qui illustre la page ne me paraît pas la mieux choisie, concession gratuite au sensationnalisme et à la provocation précisément, on peut imaginer que le photographe a fait son beurre d'un état d'alcoolisation avancée ou de la prise d'antidépresseurs puissants, mais il m'étonnerait fort qu'elle soit le choix de l'auteur de l'article. Plus exactement, il est bien au-delà de toute provocation, et ses deux constantes irréductibles et récurrentes sont l'observation aiguë du monde dans lequel il vit, et, dans celui-ci, ses propres sensations, sensations plutôt que sentiments, dont la profondeur et l'impérieuse tyrannie constituent la teneur de tous ses écrits, si ce n'est même de toute sa pensée, le monde extérieur n'étant que la scène de théâtre qui forme la trame du roman, trame assez lâche pour nous signifier incidemment d'avoir à chercher au-delà. L'ironie, l'humour et le cynisme, quant à eux, ne sont là qu'en tant que figures de style, ou comme tactique d'effroi (traduit du français puis retraduit par moi de l'anglais, j'ignore quelle expression il emploie en réalité), comme il le dit lui-même dans cette interview :

http://www.theparisreview.org/blog/2015/01/02/scare-tactics-michel-houellebecq-on-his-new-book/

Mais Houllebecq, même s'il est doué d'un humour féroce, n'est en aucun cas un écrivain drôle, il est même désespéré, ou plus exactement sans espoir, même s'il laisse toujours ouverte la porte à un frêle espoir, et ses dites provocations ne font le régal que des admirateurs en lui d'une ligne politique qu'il n'a pas et dont, c'est un filigrane constant dans ses propres propos, il se fout complètement, et ne provoquent les pudeurs offusquées que des détracteurs de cette même ligne inexistante. Désolation - mais en suis-je vraiment désolé, ou comme Houellebecq lui-même, n'aurais-je pas plutôt tendance à m'en foutre complètement ? - de constater que l'immense majorité des gens - ou tout au moins des critiques - ne savent pas lire et se retrouvent complètement à côté de la plaque.

Il ne met d'ailleurs en italiques que ses observations cliniques de détails saisis du spectacle de la vie la plus quotidienne de son - notre - époque, pour les extraire de leur insignifiance, mais jamais une italique ne viendra rompre l'intensité des sensations qu'il éprouve lors de sa longue conversation fraternelle - presque amoureuse - avec Huysmans. Depuis que je le lis et cela ne s'est jamais démenti, aucun écrivain - aucune écriture - autant que Houellebecq, autant que son écriture, ne m'a jamais parlé avec une telle vérité de moi-même.

Sensations, le maître-mot d'une œuvre, jamais écrit.

Le Nouvel Observateur n° 2616 - 2617, 24 décembre 2014 - 7 janvier 2015

Pour finir, cher lecteur, alors que j'ouvrais quelques pages sur internet pendant que j'écrivais cet article, voici que je tombe par hasard là-dessus :

http://www.lefigaro.fr/livres/2015/01/05/03005-20150105ARTFIG00131-hollande-lira-soumission-de-houellebecq-car-il-fait-debat.php

Il le lira, non parce qu'il aime lire de bons livres, non, mais parce qu'il fait débat. On atteint vraiment là le degré zéro de la nullité... Ou, pour paraphraser un célèbre comique, le jour où il disparaîtra celui-là, le monde aura perdu un grand vide.

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